Le tribunal statue que le mandat donné en prévision de l'inaptitude représente la volonté du mandant et non pas celle d'un tiers, peu importe qu'il soit juge et visiblement bien intentionné. Il n'appartient pas à ce dernier d'ordonner une nouvelle donne et de modifier les règles du jeu. Votre Honneur, les jeux sont faits.
Le mandat donné en prévision de l'inaptitude est un outil juridique dont nous disposons afin de prévoir les conséquences de maladies qui altèrent nos facultés physiques ou mentales et de choisir la personne qui sera alors responsable de l'administration de nos biens et la protection de notre personne. Il permet aussi d'écarter l'imposition d'une curatelle et la surveillance par le Curateur public qui caractérisent ces régimes de protection. Il y a peu de décisions dans la vie d'une personne qui reposent sur une telle confiance envers la personne choisie. Ceux qui ont voulu écarter le Curateur public de l'administration de leurs biens ne tiennent certainement pas à le voir s'immiscer dans leurs affaires par une porte dérobée.
En raison de son état de santé, une dame est "placée" dans un centre de soins de longue durée. Quelque temps avant son "placement", cette dernière signe une procuration générale ainsi qu'un mandat en prévision de son inaptitude et désigne son conjoint de fait comme mandataire.
Malgré les responsabilités qui sont les siennes, le conjoint mandataire visite rarement Madame, néglige de payer les comptes relatifs à l'hospitalisation et refuse de s'occuper des soins accordés à cette dernière. Alerté par la famille, le Curateur public demande à être désigné provisoirement par le tribunal pour assurer la protection de Madame. En réaction, le conjoint dépose une demande en homologation du mandat à la Cour. Le Curateur public réplique en demandant à être nommé curateur aux biens. Malgré les prétentions du Curateur public, la Cour homologue le mandat de Madame, mais ordonne que le conjoint présente un rapport annuel de sa gestion au Curateur public.
Le Curateur public interjette appel à la Cour* et fait valoir que le mandat de madame n'impose pas une telle obligation et que, de plus, l'ordonnance du tribunal contrevient aux dispositions de la Loi sur le curateur public. La Cour conclut qu'un tribunal, après avoir vérifié la capacité du mandant, ne peut qu'accepter ou refuser la demande d'homologation. Le tribunal ne peut en aucun cas imposer au mandataire une obligation de reddition de compte, sauf si prévu dans le mandat. L'administration d'un mandat de protection n'est donc pas assujettie au processus de surveillance et à la reddition de compte applicables aux tutelles et aux curatelles.
Le tribunal statue que le mandat donné en prévision de l'inaptitude représente la volonté de Madame et non pas celle d'un tiers, peu importe qu'il soit juge et visiblement bien intentionné. Il n'appartient pas à ce dernier d'ordonner une nouvelle donne et de modifier les règles du jeu. Votre Honneur, les jeux sont faits.
* CA Montréal 500-09-015862-055, 2006-01-26
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